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Conseils pratiques d’entraînement de la condition physique et de la force musculaire pour patients cardiaques
 
Dr. Patrick Feiereisen (Phd)

 

Service de Physiothérapie et de Cardiologie, Centre Hospitalier de Luxembourg


Les buts de l’activité sportive chez le patient cardiaque sont multiples. Elle permet d’abord au patient de retrouver confiance en soi après son accident cardiaque en lui montrant qu’il reste en mesure de faire des efforts physiques. Elle joue aussi un rôle capital dans la prévention secondaire en influençant tous les facteurs de risque modifiables : la glycémie est contrôlée, la tension artérielle est réduite, l’hypercholestérolémie diminue, elle participe à combattre la surcharge pondérale et même le tabagisme. A ces effets largement connus s’ajoutent encore des effets favorables sur les mécanismes de coagulation du sang et sur la fonction régulatrice très importante de l’endothélium, la couche la plus interne de l’artère. Finalement, l’exercice physique bien géré permet d’augmenter la capacité physique des cardiaques. Le but n’est pas de transformer les patients cardiaques en athlètes d’élite, mais d’améliorer la condition physique des patients qui, elle, facilitera les activités de la vie quotidienne et économisera le travail cardiaque. Ceci est   confirmé par des études récentes qui ont montré que plus la condition physique des patients cardiaques est bonne, plus leur pronostic est favorable.

      Afin d’obtenir tous ces effets bénéfiques, un entraînement raisonné s’impose. En effet, il faut trouver le bon dosage pour être efficace ; trop peu d’exercices (en quantité ou qualité) ne mènent pas au résultat escompté tandis que trop d’exercices sont potentiellement néfastes. Chaque entraînement est caractérisé par   sa fréquence (nombre de séances par semaine), sa durée, son intensité et sa modalité (endurance, force, coordination, flexibilité)

Conseils pour l’entraînement de l’endurance cardio-vasculaire 

En règle générale, l’entraînement en endurance est bien toléré par le patient cardiaque si l’intensité est telle que l’énergie nécessaire à la contraction musculaire puisse être fournie en utilisant l’oxygène : ce type d’effort est appelé effort aérobie. Si l’intensité de l’exercice est trop importante, l’énergie est fournie sans utilisation d’oxygène et dans ce processus, de l’acide lactique est formé et peut en cas de concentration élevée empêcher la continuation de l’effort. Ce type d’effort est appelé anaérobie. L’intensité optimale d’entraînement se situe en dessous du seuil où l’effort passera d’un mécanisme aérobie à un mécanisme anaérobie.
   Ce seuil peut être déterminé par une épreuve d’effort avec analyse des gaz respiratoires ou avec dosage des concentrations en acide lactique. La fréquence cardiaque (mesurée sous médicaments) correspondant à ce seuil servira de point de repère pour paramétrer l’entraînement.
Si une évaluation à l’effort n’a pas   pu être réalisée, un simple moyen pour guider l’intensité de l’entraînement est le « talk test». Ce test préconise de faire des efforts à un niveau tel qu’ils soient plus intensifs que les activités réalisées de manière quotidienne tout en rendant la conversation avec une autre personne encore possible. Ce test peut sembler assez vague et peu précis, mais il s’avère bien utile en pratique. En effet, lorsque l’effort dépasse le seuil anaérobie et qu’il y a accumulation d’acide lactique, une des conséquences physiologiques sera une augmentation de la ventilation, ce qui rendra la conversation avec une autre personne très difficile. Le talk test permet donc, avec plus ou moins de précision, de déterminer le seuil anaérobie, sans avoir recours à un test de laboratoire. La fréquence cardiaque obtenue pour ce seuil servira de référence.
La fréquence optimale de l’entraînement en endurance se situe entre 3 et 5 fois par semaine, pour une durée de 30-90 minutes. 
Si l’entraînement est effectué sur un mode constant (mode continu), l’intensité fixé restera la même au cours de l’entraînement et correspondra à une fréquence cardiaque se situant entre 90-95% de la fréquence cardiaque mesurée au seuil anaérobie.
Si l’entraînement se fait sur un mode d’interval-training, il s’agira de choisir une intensité de travail correspondant à une fréquence cardiaque qui dépasse légèrement la fréquence (+ 5 à 10 battements) au seuil pendant 1 à 2 minutes, puis de réduire l’intensité de travail pour que la fréquence cardiaque puisse redescendre en dessous du seuil. Il ne faudra surtout pas s’arrêter totalement pendant la phase de récupération, en effet, l’acide lactique produit pendant la phase intensive est le mieux éliminé si la phase de récupération est active et si elle se situe entre 35% et 65 % de l’intensité de travail maximale. Le temps des phases de récupération devra être identique au temps de travail, voire même être deux fois plus long.

Conseils pour l’entraînement de la force musculaire 


Depuis maintenant une quinzaine d’années, le renforcement musculaire fait partie intégrante du réentraînement à l’effort du patient cardiaque. Beaucoup d’efforts de la vie de tous les jours sont des efforts qui requièrent autant de la force musculaire que de l’endurance. Dans les efforts de force, la fréquence cardiaque monte de manière moins importante que dans les efforts d’endurance, cependant la tension artérielle augmente de manière beaucoup plus importante.

Il s’agit donc de bien structurer son entraînement de la force de manière à contrôler la montée de la tension artérielle. 
La première règle consiste à éviter le plus possible les exercices imposant un blocage de la respiration (manœuvre   de Valsalva). En effet, cette manœuvre fait augmenter de manière disproportionnée la tension artérielle.
Il s’agira dans un deuxième temps d’imposer aux muscles quand même un travail assez important pour permettre un effet de renforcement. Deux stratégies s’imposeraient logiquement, soit choisir un poids intermédiaire et un nombre de répétition intermédiaire, soit choisir un poids léger et un   nombre de répétitions important. Il s’est avéré que contrairement à ce que l’on pourrait penser, la méthode avec poids et nombre de répétitions intermédiaire augmente moins la tension artérielle que la méthode avec poids faible et répétitions multiples.

Dès lors, on conseille :

  • choisir un poids entre 50 et 70% de sa force maximale déterminée au préalable
  • faire des séries de 10 répétitions maximales
  • réaliser entre 3 et 5 séries en tout 
  • respecter au moins une minute de repos avant d’enchaîner une prochaine série afin de permettre à la tension de retomber à son niveau initial entre les séries

Déterminer la charge maximale supportée peut s’avérer difficile si on n’a pas d’expérience dans le renforcement musculaire. Une alternative consiste à faire l’essai suivant : choisir de manière arbitraire un poids et essayer de le bouger autant de fois que possible (donc jusqu’à fatigue) tout en respectant une exécution correcte. Si le nombre de répétitions effectuées est en dessous de 10, le poids est trop lourd. Si le nombre de répétitions est supérieur à 15, le poids est trop léger. Si le nombre de répétitions se situe entre 10 et 15 répétitions, le poids est adéquat pour faire ses exercices de renforcement musculaire.

 
 

Article publié dans la brochure du 30e anniversaire de l'ALGSC, Novembre 2015